Une cartelle, c’est une toile huilée qui sert à écrire de la musique, et qui peut être effacée pour être réutilisée. Un cartel, c’est aussi une mafia, une communauté on ne peut plus soudée. Mais Cartelle c’est aussi une maison de disques rennaise, 100% meufs, personnes transgenres et non binaires qui a pour but d’ouvrir les portes de la musique aux personnes qui n’osent pas.

Ses créatrices, Liza Bantenie et Margot Oger, sont deux musiciennes. Et chez Rennes c’est bien, viens cousin, comme on aime beaucoup la musique, on a souhaité en savoir plus sur ce label né à Rennes qui met sur le devant de la scène, les femmes dans les musiques actuelles.

Cartelle : la genèse de ce projet musical ambitieux

Après avoir vécu à Paris un petit moment, Liza s’installe à Rennes quand le confinement lui tombe dessus, comme sur tout l’Hexagone. À ce moment-là, le monde a du temps, on réfléchit tous un peu à plein de trucs. Pendant ce break imposé, les compilations qui sortaient étaient composées de musique produites par des garçons, exclusivement.

“Alors que je ne m’arrête pas forcément dessus d’habitude et que j’écoute moi aussi majoritairement des groupes masculins, je me dis “mais c’est pas possible, il n’y a que des groupes de mecs là-dedans !”.

C’est à partir de là, que germe l’idée d’une compilation qui regrouperait uniquement des filles, mais l’idée reste de côté et aucun projet n’est lancé. Quelques temps après, Liza croise au hasard sa copine Margot. Deux ans se sont passés sans s’être vues. Pourtant, elles en ont écumé des concerts parisiens ensemble et des scènes avec leurs groupes de musique respectifs… Toujours avec son idée de compilation 100 % féminine, Liza lui parle de cette problématique qui la travaille toujours. Ni une, ni deux, Margot, lui propose de sortir une compil’ ensemble. Cartelle était presque née. 

Quand on créé une compilation de musiques, il faut un label

Margot et Liza ont souhaité monter leur propre label avec la volonté de soutenir les artistes féminines, non binaires et trans, sans se rattacher à un label de copains, déjà existant.

“On part d’un constat, puis on concrétise les choses. Pour une fois, on ne reste pas à un “ah c’est dommage” et on essaye de créer. Nous travaillons donc sur cette logique : un constat, on fait quelque chose, on transforme l’essai, on y va, on continue “

Cartelle Vol.1 – Pochette réalisée par Camille Potte

Pas de doute, des places sont à prendre dans ce milieu musical et de composition puisqu’il n’y a même pas 10 % de compositrices féminines inscrites à la SACEM actuellement.

« Et plus localement, au Jardin Moderne à Rennes ou à Trempolino à Nantes pour ne citer que ces lieux, les musiciens qui viennent répéter sont 10% de filles pour 90% d’hommes. Là, on ne parle pas de 40-60. Il y a un vrai grand fossé, que l’on n’avait pas réalisé. »

Quelle est la raison de ce fossé ? Les filles n’oseraient-elles vraiment pas ?

Ce milieu est tout de même majoritairement masculin. Les mecs se parlent naturellement entre mecs, et parlent moins aux nanas. Les filles ont finalement la même attitude et se comportent de la même façon, dans les groupes de potes.

Mais il y a également beaucoup de copines de musiciens ou de femmes fréquentant les milieux musicaux qui ont un réel problème de légitimité et n’osent franchir le pas. Il y aussi ce problème de ne pas prêter ses jouets ou de ne pas avoir la patience de transmettre ses connaissances de la part de la gente masculine.

Des choses doivent être mises en place pour que cette situation s’améliore et que la largeur du fossé se réduise.

À ce propos, « l’association parisienne Salut les Zikettes créée par Julie et Victoria, propose depuis plusieurs années déjà, des ateliers de musique et d’empowerment pour les femmes, les personnes transgenres et non binaires à Paris. Plus d’une quinzaine a déjà eu lieu, on parle donc d’une centaine de personnes à y avoir assisté, et c’est ce qui ressort à chaque fois, c’est systématique.”

Les ateliers de Salut les Zikettes ont d’ailleurs donné naissance à une dizaine de groupes en seulement 3 ans.

C’est sur ce même modèle que Liza et Margot ont lancé leurs ateliers d’empowerment au Jardin Moderne, à Rennes fin 2021.

« On ne se fait pas concurrence, on partage, on se soutient. »

Un premier groupe, Les Mariah Rectangle est d’ailleurs né à la suite du premier atelier au Jardin Moderne !

Les ateliers de musique et d’empowerment au Jardin Moderne

Les ateliers proposés par Cartelle sont gratuits et se font par petits groupes de 5 ou 6 personnes. Le format d’un atelier se déroule sur un week-end : samedi toute la journée et dimanche après-midi & début de soirée pour prendre en main les instruments sur place, à découvrir. Côté style, la formation est plutôt axée rock mais tout est possible et rien n’est obligatoire.

Photo souvenir de l’atelier de décembre avec les désormais Mariah Rectangle @Cartelle

“Le temps de parole est important pour apprendre à se connaître les unes les autres, évaluer et comprendre les besoins de toutes. Ensuite on teste les instruments, on évalue l’aisance et on accompagne. On ne propose pas de cours de musique mais on aide. L’idée c’est d’accompagner pour rassembler.”

La compilation Cartelle Vol.1 sortie début 2022

La compil’ produite par Cartelle est sortie en début d’année et pas sans mal… En effet, une pénurie de cartons a pointé le bout de son nez et a rendu plus difficile sa sortie.

🎶 KCIDY – Ellah A. Thaun – Musique Chienne – Charlotte Leclerc – Paris Banlieue – Lispector

Pour cette production, la volonté de Margot et Liza était d’y rassembler des artistes de toute la France, qui ne faisaient pas partie de leur réseau ou milieu pour les mettre en avant. De Bordeaux à Lyon, en passant par Le Havre, Marseille ou Rennes, vous découvrirez dans cette première compilation, des artistes de tous horizons, qui nous touchent et nous parlent.

L’aide à la création musicale de la ville de Rennes : un coup de pouce non négligeable

Une 2ème compilation est déjà en réflexion mais plusieurs facteurs doivent être pris en compte comme la question des délais et des financements.

“Le vinyle est un objet physique qui coûte cher et la production est actuellement compliquée. La pénurie de pétrole s’ajoute à celle de carton et les majors sortent beaucoup de vinyles donc ça prend de la place chez les presseurs. Quand Angèle arrive avec 300 000 pressages et que tu commandes une centaine d’exemplaires, ça sature, tu passes souvent derrière.”

L’aide à la création musicale proposée par la ville de Rennes à tous les artistes rennais est ici primordiale et très intéressante. C’est grâce à elle, que Cartelle a pu lancer son Volume 1.

“C’est important de le noter car, que l’on soit d’accord ou pas avec la politique culturelle de la Ville, cette aide est quand même un sacré coup de pouce qui nous a permis une sortie rapide sans trésorerie. Donc vraiment, merci.”

Avant de conclure, quels sont tes lieux préférés à Rennes ?

Il y en a pas mal… Comme Vacarme, une boutique vintage où je passe pas mal de temps. J’y ai fait des ventes de disques, le coin café est sympa et il y a plein de chouettes objets à découvrir.

La librairie Planète iO à côté du bar de la Cité. C’est une dame très sympa qui tient le lieu, offre le thé et fait des rencontres avec des écrivains. La librairie La Nuit des Temps est ex-aequo dans mon coeur avec ses supers sélections. Enfin, la Tête de Chou, qui est un lieu assez récent tenu par Phil. Il y a de chouettes soirées et on y mange super bien !

Et tes coups de coeur musicaux du moment ?

Bip3 qui est une artiste rennaise qui a sorti son album CHRYSOCOLLE en février dernier. Kate Hortl, Clara Le Meur (qui a sorti une cassette) et bien évidemment toutes les artistes de la compile !

 

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