French Fripes : rencontre avec Lauren Papet, créatrice d’une friperie rennaise
Lauren Papet, créatrice de la friperie en ligne « French Fripes », est Rennaise depuis toujours. Adepte du recyclage, elle a créé French Fripes, une friperie sur Internet, qui propose des pépites old-school, aux amoureux de seconde main.
Autour de sa marque créée en 2017, un e-shop dédié à l’univers du vintage et l’organisation d’événements principalement dans l’Ouest, ont aussi vu le jour. Interview d’une créatrice passionnée, en quête d’améliorer son impact environnemental en luttant à sa façon, contre les sirènes de la surconsommation, si présentes dans notre quotidien.
Quel est ton parcours et comment est né French Fripes ?
Compte Instagram @French Fripes
Je suis partie à l’âge de vingt ans poursuivre des études en Histoire et Histoire de l’art à Paris. C’est durant cette période que j’ai découvert le monde merveilleux et les perspectives illimitées de la mode vintage dans les nombreuses et très cools friperies de la ville. La mode m’a toujours passionnée, et le début de ma vie professionnelle (dans la production d’expositions d’art contemporain liée au thème de la mode) m’a permis d’aiguiser mon œil et d’affiner mon style, enfin, mes styles !
De retour à Rennes après quelques années, j’ai eu l’occasion de travailler à nouveau dans l’art contemporain, puis j’ai effectué un changement de cap en choisissant la vente. J’avais déjà l’expérience de mes jobs étudiants, j’aimais le relationnel et surtout le conseil. Après plusieurs emplois et une grosse prise d’expérience dans le conseil client, je suis devenue responsable d’une boutique d’une marque française de prêt-porter pour homme. Avec les années et la prise de responsabilités dans mon job, le désir d’entreprendre est né peu à peu.
Mon mode de vie a parallèlement changé. J’ai eu 2 enfants, j’ai emménagé à la campagne. Ma conscience écologique s’est accrue, et je cherchais sans cesse des moyens d’améliorer mon impact environnemental.
J’ai donc commencé à écumer les vide-greniers et brocantes. Et là, grosse grosse révélation ! Il y a largement de quoi faire dans l’existant pour éviter de surconsommer une mode certes pas chère, mais très polluante, bien trop normée et irrespectueuse de l’environnement et de l’humain. Et oui.
À cette époque, j’ai également découvert Instagram. Je me suis créé un compte perso sur lequel je partageais, entre autres, mes découvertes de vide-grenier et mes looks vintage, sans trop me prendre la tête pour les photos, puisqu’il s’agissait surtout au début, de médiocres selfies… J’y ai pris goût, et mes copines aussi, puisque souvent, elles me rachetaient mes trouvailles. Après avoir participé à des vide-dressings durant lesquels j’en profitais pour revendre les articles de fast-fashion qui ne correspondaient plus ni à mon nouveau style, ni mes valeurs, j’ai décidé de tenter l’aventure en passant « semi-pro ».
French Fripes, c’est quoi ?
J’ai créé le nom French Fripes car je voulais défendre les valeurs des anciennes marques françaises, que je déniche beaucoup et que j’aime particulièrement. Ensuite, j’ai créé un premier logo, et j’ai participé en octobre 2018, à mon 1e événement pro, en me disant « Ça passe ou ça casse ! ». Non seulement c’est passé mais ça s’est très bien passé ! French Fripes était née et partie pour durer…
Aujourd’hui, French Fripes, c’est à la fois des ventes en évènements, sur Rennes et plus globalement dans l’Ouest. Depuis septembre 2019, c’est aussi un eshop, sur lequel je mets en ligne des nouveautés régulièrement, en fonction des arrivages et des envies.
J’utilise beaucoup Instagram pour interagir et partager mes évènements et coups de coeur. C’est aussi une forte communauté de chineuses, de personnes qui veulent changer leur façon de choisir leurs vêtements, qui soutiennent une petite entreprise plutôt que d’engraisser les géants, et qui choisissent aussi de porter des vêtements uniques et de qualité qui leur auront été soigneusement conseillés et qui reflèteront leur vraie personnalité.
Et enfin, c’est pour moi une plateforme d’échanges non seulement sur la mode, mais aussi sur les actions à mener pour réduire notre impact environnemental dans tous les domaines. J’invite régulièrement diverses personnes à intervenir, que ce soit sur la mode éthique, le zéro déchet, l’entrepreneuriat… L’important pour moi est de fédérer autour de ces questions et de partager les expériences.
Que représente le vintage pour toi ?
C’est une vaste et complexe question ! Chacun aura sa réponse valable et je pense que c’est aussi beaucoup en rapport avec l’expérience personnelle de chacun. Pour moi, le vintage c’est tout ce qui s’est passé dans la mode, avant les années 2000. Pour certains, le vintage s’arrête aux années 80. Pour d’autres, il court jusqu’au début des années 2010.
Compte Instagram @French Fripes
De mon point de vue, il s’arrête au moment où la fast-fashion et la délocalisation du textile qui va avec, ont explosé, c’est-à-dire, fin des années 90 début des années 2000. Pour rappel, la fast-fashion est un segment de l’industrie vestimentaire qui se caractérise par le renouvellement très rapide des collections, parfois plusieurs fois par mois.
Les stocks étant peu renouvelés et produits en petite quantité, la clientèle est fortement incitée à acheter immédiatement, et à renouveler fréquemment sa garde-robe (le fameux « effet nouveauté » qui nous plaît à tous et dans lequel le marketing nous maintient). Zara/Inditex est l’entreprise pionnière en la matière, et est connue pour être en mesure de concevoir, produire, commercialiser et distribuer un nouveau produit dans le monde entier, en seulement 2 semaines.
Pendant des années, personne ne s’est penché sur l’impact écologique et humain d’un tel mode de production, que ce soit dans les médias ou chez les consommateurs. Heureusement les choses ont changé.
Quand j’ai commencé à chiner des vêtements vintage, j’ai été très surprise et heureuse de découvrir qu’énormément de marques (pas seulement françaises) produisaient leurs vêtements en France, jusqu’au début des années 90 (par exemple, le groupe Pimkie). C’est aussi pour ça que j’ai choisi le nom French Fripes. Et quelle qualité ! À prix égal en fast-fashion (puisque je me situe sur cette gamme de prix), la qualité est telle qu’il sera toujours plus économique d’acheter du vintage, qui durera plus longtemps. Sans parler du coup écologique. À ce sujet, je conseille les documentaires « The true cost » et « L’envers de nos tee-shirts », tout y est dit.
Comment choisis-tu les vêtements que tu proposes ?
C’est simple, je ne me mets aucune limite, ni de taille, ni de style ! Si j’aime la pièce, je la sélectionne. La seule chose que je bannis c’est la fourrure, par conviction personnelle. Au début de mon activité, je chinais à tout va, sans trop réfléchir, aussi pour constituer mon stock de départ. Avec le temps, j’ai appris à connaître mes clientes et identifier leurs goûts, pour répondre au mieux à leurs attentes.
Le style French Fripes est une mode joyeuse, confortable et surtout multifacette.
Je ne me cantonne pas à un seul style, puisque j’en ai toujours eu plusieurs moi-même. Mais il ne faut pas que ce soit un prétexte pour acheter à tort et à travers.
Je n’inciterai jamais une cliente à acheter une pièce, si elle n’est pas sûre de la porter. Et si la pièce lui est « destinée » elle sera là à son retour, comme je le répète souvent sur mon stand : « Chaque pièce à sa cliente quelque part, et chaque cliente à sa pièce qui l’attend ».
Compte Instagram @French Fripes
Je vends des vêtements et accessoires pour femmes (et un peu pour hommes aussi) datant des années 70, 80 et 90. Ce sont mes 3 décennies préférées stylistiquement parlant. Les années 30-40-50 et même 60, relèvent davantage pour moi de la collection. Mon vintage est celui qui se marie parfaitement avec la mode moderne.
Ce sont des pièces que tu peux ajouter à ta garde-robe actuelle (on ne va pas tout jeter pour repartir de zéro !). L’idée n’est pas de se déguiser en pin-up ou de ressembler à ta mamie… Le jeu c’est de mixer tout ça, d’autant plus qu’on ne trouve pas toujours son bonheur dans le vintage. Certaines pièces sont compliquées à trouver à la bonne taille ou coupe, comme les jeans ou les chaussures.
Où t’habilles-tu en général ?
Dans une petite friperie très sympa qui s’appelle French Fripes ! Souvent, en voyant mon stand, les gens me disent « Ton dressing doit être énorme ! ». Et bien pas du tout en fait. Avec le temps je l’ai réduit, pour ne garder que l’essentiel et quelques pièces coup de cœur que je mets peu, certes, mais que j’adore et dont je suis sûre de garder très longtemps.
Quand je trouve des pépites, je pense d’abord à mes clientes. Telle ou telle pièce qui plaira à telle ou telle cliente. Le but est d’avoir dans son dressing un ratio convenable de pièces basiques : un bon jean, une bonne jupe, 2/3 top simples… et des pièces plus originales ou imprimées, qui devront s’assortir facilement. À cela s’ajoute un pourcentage de pièces plus fortes, que tu porteras moins souvent ou par touches. Bien entendu, quand je dis « convenable », cela ne veut pas dire « convenable pour la société », cela veut dire « convenable pour ton usage et qui permettra de ne pas laisser végéter des vêtements dans ton dressing».
Si tu veux t’habiller tous les jours en paillettes dorées parce que c’est ton style, je dis go ! Mais quelque soit ton style, l’important est de savoir se faire plaisir sans succomber aux sirènes de la surconsommation.
Pour certaines pièces, il est très très difficile de choisir le vintage, notamment les sous-vêtements. Je choisis dans la mesure du possible, des marques éthiques, même si le Made in France dans ce type de produit, est encore trop cher pour moi. Pour les chaussures, j’achète encore un peu de neuf, parce que ce n’est pas facile, même pour moi qui chine énormément, de trouver des chaussures vintage en bon état, dans mon style et à ma taille. J’ai encore quelques vestiges de fast-fashion dans mon dressing, que j’utiliserai jusqu’à la corde avant de les recycler.
Des projets récents ou à venir à nous partager ?
Au sujet du recyclage justement, je travaille depuis quelques mois sur un projet de revalorisation, à la fois de pièces vintage abîmées et de tissus vintage. Il m’arrive de chiner des pièces vraiment intéressantes mais très usées à certains endroits, ou dont la coupe n’est plus très actuelle… Je fais déjà quelques réparations quand c’est nécessaire (j’ai appris à coudre pour ça !) mais je voudrai pousser le concept plus loin.
Pour la revalorisation du tissu, c’est pareil. Je tombe parfois sur des lots de tissus magnifiques, mais je n’ai pas les compétences pour créer des modèles. C’est donc un projet en cours également. Je souhaite aussi développer les partenariats et les échanges parce que j’ADORE rencontrer des entrepreneuses/eurs et partager les expériences et les savoir-faire. Tout ça dans le but de prêcher la bonne parole de l’éthique, de l’économie et de l’écologie !
Après avoir développé French Fripes en parallèle de mon job de responsable de boutique, je suis désormais prête à me consacrer à mon projet à 100%, ce qui devrait se faire d’ici quelques semaines. Donc au programme : plus de temps pour le sourcing, plus de stock signifiant pour mes clientes, plus de choix, un site Internet plus fourni et plus d’évènements ! Je voudrai aussi développer la collection homme, puisque j’ai énormément de demandes, et je vais très prochainement mettre en place une newsletter, qui sera davantage un « journal de bord » et un outil de découverte, plutôt qu’un outil de publicité, comme c’est souvent le cas.
J’essaye de m’améliorer en permanence, que ce soit dans mon organisation, dans ma communication, dans mes photos, dans mon concept, dans mes évènements… Le but n’est pas la perfection, c’est l’authenticité, et c’est ce que mes clientes aiment je crois !
Et je lui souhaite bonne chance et bonne continuation !
Pour s’offrir une pépite French Fripes, c’est par ici : https://frenchfripes.fr
📍 Facebook et Instagram : @frenchfripes
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